Tsé QuébecLa Révolution tranquille en 10 dates clés
La Révolution tranquille en 10 dates clés
Comment une société peut-elle se transformer radicalement en moins d'une décennie? C'est le défi qu'a relevé le Québec au cours des années 1960, une période que l'on désigne sous le nom de Révolution tranquille. Cette expression paradoxale décrit parfaitement ce bouleversement sans précédent : une révolution profonde, mais pacifique, qui allait propulser le Québec dans la modernité.
Après quinze années de conservatisme sous le règne de Maurice Duplessis — période qualifiée de « Grande Noirceur » — le Québec connaît une transformation fulgurante de ses institutions. L'Église catholique, qui contrôlait l'éducation et les services sociaux, voit son influence s'effriter. Les Canadiens français, longtemps marginalisés économiquement (ils gagnaient en 1961 un revenu moyen de 35% inférieur à celui des anglophones), aspirent à devenir « maîtres chez eux ».
Le contexte : La fin de la « Grande Noirceur »
Avant d'aborder les dates clés, il est essentiel de comprendre le terreau dans lequel la Révolution tranquille a germé. Le Québec des années 1950 est dominé par le gouvernement de Maurice Duplessis et son parti, l'Union nationale, au pouvoir presque sans interruption depuis 1944. Cette période est caractérisée par un conservatisme social marqué, une alliance étroite entre l'État et l'Église catholique, et une économie largement contrôlée par des intérêts anglophones.
L'Église catholique détient alors un quasi-monopole sur l'éducation et les services sociaux. Comme le rappelait le Frère Untel dans son pamphlet Les Insolences du Frère Untel (1960), le système d'enseignement québécois accusait un retard considérable : « encore en 1951, plus de 70% des 8 780 établissements scolaires du Québec n'ont qu'une seule classe, 60% sont sans électricité et 40% sans eau ni toilettes à l'intérieur ».
La mort soudaine de Maurice Duplessis le 7 septembre 1959 ouvre la voie au changement.
1. 22 juin 1960 — L'élection de Jean Lesage et « l'équipe du tonnerre »
La première date clé de la Révolution tranquille est l'élection du 22 juin 1960, qui porte au pouvoir le Parti libéral du Québec dirigé par Jean Lesage. Avec le slogan « C'est l'temps qu'ça change! », les libéraux remportent 51 sièges et 51,5% du vote populaire.
Jean Lesage s'entoure de ce qu'on appellera « l'équipe du tonnerre », composée de ministres réformateurs comme René Lévesque, Paul Gérin-Lajoie, Georges-Émile Lapalme et Pierre Laporte. Le budget provincial, qui était de 745 millions de dollars en 1960-61, atteindra 2,1 milliards en 1966-67.
2. 24 mars 1961 — Création de la Commission Parent
Le gouvernement Lesage lance le 24 mars 1961 la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, présidée par Monseigneur Alphonse-Marie Parent. De 1967 à 1972, la Commission produit 15 volumes d'études et 500 recommandations qui transformeront radicalement l'éducation au Québec : création d'un ministère de l'Éducation, école obligatoire et gratuite jusqu'à 15 ans, création des cégeps et de l'Université du Québec.
3. 1er janvier 1961 — Adhésion au régime d'assurance-hospitalisation
Le 1er janvier 1961, le Québec adhère au programme fédéral-provincial d'assurance-hospitalisation, marquant le début de la prise en charge étatique des services sociaux. Cette mesure permet à tous les Québécois d'avoir accès gratuitement aux soins hospitaliers et représente un pas majeur vers l'État-providence.
4. 14 novembre 1962 — L'élection référendaire et la nationalisation de l'électricité
Le 14 novembre 1962, le gouvernement Lesage est réélu lors d'une élection qui prend l'allure d'un véritable référendum sur la nationalisation de l'électricité. Le slogan « Maîtres chez nous » résonne dans tout le Québec.
René Lévesque, ministre des Richesses naturelles, est le grand artisan de ce projet. Les libéraux remportent l'élection avec 63 sièges contre 31 pour l'Union nationale et 56% du vote populaire.
5. 1er mai 1963 — Nationalisation complète d'Hydro-Québec
À compter du 1er mai 1963, Hydro-Québec procède à l'acquisition des onze compagnies privées d'électricité au coût de 604 millions de dollars. Cette nationalisation symbolise l'émancipation économique des Canadiens français. Hydro-Québec devient le fer de lance du développement du Québec.
6. 13 mai 1964 — Création du ministère de l'Éducation
Le 13 mai 1964, la Loi 60 donne naissance au ministère de l'Éducation du Québec, dont Paul Gérin-Lajoie devient le premier titulaire. Cette création met fin à plus d'un siècle de contrôle ecclésiastique sur l'enseignement. Durant la décennie 1960, les effectifs au secondaire passent de 205 000 à près de 600 000 élèves. En 1967, les premiers cégeps voient le jour.
7. 15 juillet 1965 — Création de la Caisse de dépôt et placement
Le 15 juillet 1965, l'Assemblée nationale crée la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), destinée à gérer les fonds du nouveau Régime de rentes du Québec. Jacques Parizeau joue un rôle clé dans la conception de cette institution. Aujourd'hui, elle gère plus de 400 milliards de dollars.
8. 24 avril 1966 — Fondation de la Fédération des femmes du Québec
Le 24 avril 1966, Thérèse Casgrain organise un colloque intitulé « La femme du Québec : Hier et aujourd'hui », donnant naissance à la Fédération des femmes du Québec (FFQ). En 1964, la Loi 16 avait mis fin à l'« incapacité juridique de la femme mariée ».
9. 28 avril 1967 — Inauguration de l'Expo 67
Le 28 avril 1967, l'Exposition universelle de Montréal ouvre ses portes sous le thème « Terre des Hommes ». Durant 183 jours, plus de 50 millions de visiteurs découvrent les pavillons de 62 pays. Le 24 juillet 1967, le président Charles de Gaulle prononce son célèbre « Vive le Québec libre! ».
10. 14 octobre 1968 — Fondation du Parti Québécois
Du 11 au 14 octobre 1968, plus de 2 000 personnes créent le Parti Québécois (PQ). René Lévesque en est élu président par acclamation. Le PQ prendra le pouvoir le 15 novembre 1976 avec 71 des 110 sièges.
L'héritage de la Révolution tranquille
La Révolution tranquille a profondément transformé le Québec en moins d'une décennie. Sur le plan économique, la nationalisation de l'électricité et la création de la Caisse de dépôt ont donné aux Québécois francophones des leviers économiques sans précédent. Sur le plan social, la création du ministère de l'Éducation et la démocratisation de l'enseignement ont permis à des générations de Québécois d'accéder aux études supérieures.